Territoires : Bretagne, Hauts-de-France, Île -de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie


Avec ce projet, Diane Grimonet tend à déconstruire le mythe de la retraite uniformément heureuse et paisible. Elle explore comment la pandémie a accentué les difficultés préexistantes des retraités et met en lumière les forces de solidarité. « J’ai commencé ce travail en 2020. La crise du Covid a agi comme un révélateur autant que comme un accélérateur de la pauvreté. Pendant ce reportage, j’ai entendu le même discours chez ces retraités : “On ne peut plus se soigner, il faut faire plusieurs magasins pour pouvoir se nourrir, tout augmente depuis le Covid et à cela s’ajoute la guerre en Ukraine. Comment peut-on vivre avec 800 ou 1 000 euros par mois ?” Certains travaillent souvent pour un salaire de misère, ils sont usés, fatigués et se sentent rejetés par la société. Leur vie professionnelle n’a déjà pas été facile, mais leur retraite s’apparente à un calvaire. »

©Mona Grimonet
©Mona Grimonet

Née en France en 1960. Vit à Paris. Après avoir été photographe de théâtre, Diane Grimonet collabore, à partir de 1989, avec Libération, la presse nationale et des ONG. Elle explore la précarité, le mal-logement et la pauvreté. En 2009, elle photographie la vie des familles à l’hôtel et les Calaisiens accueillant des migrants, en 2012, des femmes en difficulté dans un salon de beauté social et, en 2016, les personnes précaires aux abords du périphérique parisien. Ses travaux sont régulièrement exposés. Elle est membre de Hans Lucas.

 

 

 

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Le 16 décembre 2021, lorsque je reçois un mail, m’indiquant que mon dossier sur « les petites retraites en France » avait été sélectionné, une grande joie m’envahit. Je vais pouvoir travailler dans la tranquillité financière et finir ce projet que j’avais commencé il y a déjà deux ans.

 

Journal de bord

JANVIER 2022

Je commence mes recherches. Rien ne se dessine comme prévu dans le synopsis que j’avais fait parvenir. Pour le dossier, j’avais indiqué une cartographie, mais comme je n’ai aucun sens de l’orientation,  j’achète une grande carte. Je dors mal cela me réveille la nuit, cela m’embrouille. Alors, je décide de me recentrer sur la recherche des retraités à photographier.

N’ayant pas reçu le budget, je commence par Paris. Mais là encore, rien ne se débloque : je passe des heures au téléphone, je me déplace dans divers endroits… Mais rien, partout, c’est non, les gens ont peur avec le Covid.

Je réfléchis aussi sur la forme photographique : noir et blanc, film couleur, numérique, argentique ? Comment vais-je aborder le travail pour montrer cette réalité.

Plus je réfléchis, plus tout s’embrouille. Alors, je décide de tout stopper et de ne plus chercher une forme. Je verrais bien sur le terrain.

FÉVRIER 2022

Je suis dans le quartier Nord de Marseille pour suivre Annick, petite retraite, le reportage avance doucement, la photo est une histoire de temps, surtout quand on travaille dans l’intimité et le quotidien des gens, il faut que la confiance s’installe.

© A.A Abdelghani
© A.A Abdelghani

Le budget est arrivé. Mon amie France m’indique une dame qui, peut-être correspondrait à mon sujet. Je lui téléphone, on discute et je décide de partir la semaine d’après à Marseille pour la rencontrer.

Je cale tout, et hop, je m’explose la cheville. Je décide de partir quand même.

Mes boîtiers sont prêts et les contacts sont trop durs à trouver pour que j’annule ce RDV.

J’arrive à Marseille, il fait beau, cela fait du bien. Je dois rencontrer Annick le lendemain, il faut que je repère où sont les quartiers Nord de la ville.

Le lendemain, je prends le métro jusqu’au terminus, je découvre les quartiers Nord pour la première fois. Les gens sont gentils, ils me disent de faire attention à moi. Deux femmes viennent me voir et me disent : « Faites attention à votre sac ». Je leur dis : « Ah, bon ? Pourquoi ? » Elles me répondent : « Ils n’hésitent pas à agresser des vieux, des jeunes, des femmes pour les voler. »

Je les remercie et je vais à la rencontre d’Annick. Le contact se passe bien, on discute toute la journée, j’observe son environnement. Je lui explique ma démarche, mon projet. Tout est OK pour commencer demain. Je rentre à Marseille, je m’assois et regarde la mer et les bateaux.

Le lendemain, j’arrive avec mes boîtiers, on boit un café. J’ai de la « bouteille » et je connais mon métier, mais c’est dur de sortir mon boîtier,  je suis dans l’intimité des gens. Je décide de commencer par un portrait pour mettre Annick à l’aise, la complicité commence à s’installer, on reboit un café. Puis d’un seul coup, tout démarre, Annick prépare à manger, je commence à photographier, je ne reste pas trop longtemps

Après, de jour en jour, la complicité monte. Le soir, je décharge les photos sur mon disque externe car j’ai choisi de faire du numérique. J’ai toujours peur de perdre les fichiers, je vérifie de nombreuses fois. C’est long et quand on rentre d’une journée de reportage, on a juste envie de se poser.

Après plusieurs jours de prise de vue, je sens que Annick en a marre. Je me dis que c’est trop intrusif. Épuisée, vidée, je décide de rentrer à Paris. Là, je pose le travail, j’édite pendant 3 jours et je me dis qu’il il faut que j’y retourne ; ce n’est pas assez fort, il me manque plein de situations dont Annick m’a parlé, j’aimerais pouvoir les écrire en photos.

Ma cheville a un peu désenflé.

Je téléphone à Annick pour lui expliquer qu’il me manque des photos avec ses enfants, pour illustrer le pouvoir d’achat, etc. Tout ce qui fait qu’il est difficile de vivre avec une petite retraite. Elle me dit : « Viens quand tu veux ».
Je suis Annick dans son quotidien pendant plusieurs jours. Je gère aussi les autorisations de publication. Pas facile non plus ces autorisations, Annick et sa famille les lisent, je leur explique aussi le pourquoi du comment. Quand j’ai commencé mon métier de photo-reporter, les autorisations n’étaient pas obligatoires. À chaque fois, c’est une angoisse pour moi qui fonctionne avant tout à la confiance …

Après quelques jours, je n’en peux plus, je le dis à Annick, je rentre à Paris. Émotion, je suis triste, c’est une belle personne.  On reste en contact, il est fort probable que j’y retourne.

À Paris, commence le travail d’éditing,  je sauvegarde tout dans mes disques, j’écris les légendes, j’édite aussi des photos pour Annick et sa famille car j’ai promis de leur envoyer des tirages ; je dois aussi faire le budget pour ne pas l’exploser. Le problème, c’est qu’Excel et moi,  on ne s’aime pas. Heureusement, mon amie Christelle va m’aider.

MARS 2022

Je décide de travailler dans le nord de la France. Je passe donc plusieurs jours à envoyer des e-mails, à faire des revues de presse. La chargée de communication du Secours populaire de Lille m’envoie quelques contacts. Je téléphone, j’écris des e-mails, encore et encore. Je ne reçois aucune réponse,  aucune aide. C’est la guerre en Ukraine, ils sont débordés de travail et mon sujet sur les petites retraites n’est pas leur priorité.    

J’appelle mes amis photographes basés dans le Nord de la France : « Pas évident du tout ton sujet,  cela demande du temps ». Mon ami photographe Jean-Manuel me donne le nom d’une amie à lui qui est  journaliste dans cette région. Je lui téléphone et elle me communique quelques pistes en me conseillant: « Laisse tomber la cartographie, tu vas être trop court ». Pour trouver une base à Calais,  je téléphone à la patronne d’un bistro, qui après beaucoup de bavardages téléphoniques me dit : « Je vais voir ce que je peux faire pour vous ». Je boue intérieurement. C’est la guerre en Ukraine.

Je décide alors de me passer de tout le monde. Je prends un train pour Boulogne-sur-Mer où je dois rencontrer un marin. Je lui donne rendez-vous dans un café. Il me raconte sa vie, il est d’accord  pour être interviewé, mais pas pour être photographié. Ma déception est totale… Je traîne dans Boulogne puis je rentre à Paris.

Je comprends qu’il faut que je reprenne tout à zéro. Je mesure l’ampleur du boulot et le temps qui passe. La plupart des retraités que j’ai rencontrés sont d’accord pour une interview mais pas pour des photos. Je continue à enquêter. Je sors mes cahiers de route que je tiens depuis plus de 20 ans et je tombe sur le numéro de téléphone de Charles. Je l’appelle. Il me dit être à la retraite et dans une situation catastrophique. Je lui demande si je peux le rencontrer, il me dit « OK ». Je repars vers le Nord, à Calais. On se retrouve et on parle longuement. Il me donne son accord pour les photos ;  le reportage commence.

Ça n’est pas évident de faire ces photos chez Moustache car il n’y a pas de lumière. Je me rends compte que les gens en difficulté n’ont souvent pas de lumière dans leur habitation. Le reportage terminé je rentre à Paris pour l’éditer. Le plus dur pour moi dans ce travail, ce ne sont pas les images mais les PAROLES que je reçois. Ces situations de grande détresse sont d’une violence inouïe et je me dis : « Quelle injustice sociale !»

À la terrasse d’un café parisien,  je discute avec un homme. Il me dit «Vous semblez très fatiguée », je souris et lui dit : « Cela se voit tant que cela ??? ». Au fil de la conservation je lui explique mon projet photographique. Il se nomme Francis ; il me dit être lui aussi à la retraite et survivre tout juste. Je prends son numéro de téléphone. Je suis trop fatiguée pour parler plus. Je vais faire les tirages pour Moustache, cela lui fera plaisir.

Je prends deux jours pour poser et rééditer le travail. Je trouve cela moyen. Le sujet est peu visuel. Comment saisir l’insaisissable ??? C’est la guerre en Ukraine. Je me retiens de ne pas partir, je dois continuer à montrer cette réalité et ne pas penser à mon ego de photographe. D’accord, le sujet n’est pas visuel, mais l’injustice, elle, est là. Alors, même si les photos ne sont pas top, il me faut continuer.

Je rappelle Francis, on prend rendez-vous pour une interview. C’est reparti !  Je le suis dans son quartier. Je me rends compte que je ne pourrai pas publier les photos sans le mettre en danger et je ne pourrai vous en donner la raison. Je reste zen et je continue à le suivre ; Il me faut des heures de boulot pour saisir une photo qui témoignerait de ces êtres humains délaissés de notre société, une photo qui toucherait, une image qui permettrait de donner la parole à des personnes que l’on ne voit pas, ou que l’on ne veut pas voir, une image qui dirait les mots qu’ils me disent, ces mots qui sont plus puissants que mes photos.

J’ai envie de tout plaquer ; la fameuse « solitude des photographes ».  

AVRIL 2022

C’est reparti pour des heures d’entretiens téléphoniques et d’enquêtes…

Ma décision est prise, la cartographie, c’est fini. L’exhaustivité de ma série photographique sur les petites retraites sera essentiellement basée sur les profils sociologiques de mes sujets et non sur la territorialité.

Je cherche un agriculteur. Un ami me donne le nom d’un couple de paysans ; je téléphone ; ils me disent « Pas pour l’instant ». Je descends alors à Château-Thierry ou j’ai appris qu’il y avait une foire aux animaux. Et là, le discours est toujours le même : « D’accord pour l’interview, mais pas pour les photos ». Je reçois un appel du service photo du journal Le Monde « Diane, tu connaîtrais un retraité qui travaille ? ». Je repense à Stéphane un ancien contact. Le Monde m’a toujours soutenu dans mon travail.

Après avoir repris contact avec Stéphane, le reportage commence. Je me dis que cela fera un profil de plus pour la commande photographique. Je téléphone à Emmanuelle de la BnF. Elle me dit « OK » pour la publication dans Le Monde. Je rends ma pige au Monde et continue mon reportage sur Stéphane pour la grande commande photographique. Je continue aussi à voir Francis.

Toujours pas d’agriculteur en vue. Je cherche, mais rien. Fin avril-début mai, je décide de descendre dans le Larzac et de chercher par moi-même.

Je prends le train en fredonnant la chanson de Brel « T’as voulu voir Vesoul, et on a vu Vesoul » et je souris en chantant « T’as vouloir voir le Larzac et on a vu l’ Larzac »…

MAI 2022

Après avoir traîné dans Montpellier je prends le bus pour rencontrer Christian Roqueirol, un des premiers militants de la Confédération paysanne en Aveyron. Je découvre le Larzac et ses paysages d’une beauté à couper le souffle.
Christian m'accueille  chez lui, ici tout est calme, on parle beaucoup je lui explique ma démarche photographique. Il me dit : « On prend la voiture demain et je vais te présenter à des paysans du Larzac ». Il me propose aussi de dormir chez lui, je rencontre aussi son épouse qui élève des brebis, il m’invite à manger, trop bon le repas… Nous partons le lendemain matin, je continue à regarder les paysages, c’est vraiment  beau. « Je reviendrai en vacances un jour », me dis-je.
Je rencontre Gustave ;  le feeling passe tout suite entre nous. On boit un café, on parle de choses et d’autres. Gustave a fait la marche des 103, il avait 33 ans à l’époque (La lutte du Larzac  est un mouvement de désobéissance civile non violente contre l'extension d'un camp militaire sur les Causses du Larzac qui dura une décennie, de 1971 à 1981 et qui se solda par l'abandon du projet sur décision de François Mitterrand, nouvellement élu Président de la République).  Il me raconte toute cette histoire que je ne connaissais pas.
C’est ce qui est enrichissant dans notre métier,  on apprend toujours des choses nouvelles.
N’ayant aucune connaissance spécifique du monde paysan non plus, il m’explique comment cela se passe. Gustave n’a plus 20 ans et je sens qu’il commence à se fatiguer. Je lui demande si je peux revenir le lendemain, il me dit que c’est d’accord pour le reportage. Je repars avec Christian, contente de cette rencontre et je me mets à rêver dans la voiture en admirant cette immense beauté.
Le lendemain, j’arrive chez Auguste, il me fait visiter la ferme. Je vois les brebis de près ;  c’est mignon. Je peux commencer mon reportage. Ici, je n’ai pas de soucis avec la lumière, ni avec la profondeur de champ. Après quelques jours, je reprends le bus pour Montpellier ; le reportage est bouclé. Je dis à Auguste que je lui enverrai des photos car le téléphone, ça n’est pas son truc. Avant de partir, il me dit «  Vous auriez une bonne  fermière,  vous êtes costaude mais préservez-vous quand même ». Je me dis tout bas,  je lui enverrai des cartes postales de Paris.
Retour à Paris,  je sauvegarde ;  un peu de repos et je reprends toutes les photos, il me manque un bénévole. Il faut que je voie aussi Emmanuelle de la BNF. J’ai besoin de son appui et de faire le point.  Je travaille seule et je n’arrive plus à avoir le recul nécessaire.
Le rendez-vous est pris pour le 31 mai 2022, alors  je commence un pré-éditing de 100 photos.  J’essaye de réduire le nombre,  mais je n’y arrive pas ...
Le 31 mai,  j’arrive à la BnF Richelieu,  où je rencontre Emmanuelle. On regarde les photos et je me sens plus rassurée. Elle regarde attentivement mon travail, suggère un éditing, me réoriente. Elle comprend mon travail et en plus, elle est vraiment sympa. Elle me présente Sylvie Aubenas directrice du département des estampes et de la photographie de passage dans le bureau. Nous avons un court échange «  En télé, en radio,  les petit retraites OK,  mais en photo,  comment l’exprimer ? »  «  Oui, comment photographier l’invisible ? », et elle me dit : « C’est tout le talent du photographe. ». Il me reste à trouver un bénévole retraité.

 

JUIN 2022

Je commence mes recherches pour trouver un bénévole retraité. Le problème, c’est que toutes les personnes que je rencontre n’ont pas des petites retraites. La plupart ont une retraite de 1500 à 2000 €, ce qui ne correspond pas à mon angle. Je repense aux Marmoulins de Belleville où j’avais été faire des photos pendant le premier confinement sur un sujet sur les oubliés du confinement.

Je retrouve mon carnet de route de l’époque. J’appelle, ils se souviennent de moi et me donnent les coordonnées d’Octavio. Je lui téléphone,  il est au Portugal. On convient d’un rendez-vous pour son retour. Je rencontre Octavio, il a une petite retraite. Nous convenons d’un autre rendez-vous pour le reportage.
Le reportage terminé,  je sauvegarde les photos.  La semaine suivante,  je reprends toutes les photos en me disant que la prise de vue sur les petites retraites est bouclée. Je n’irai pas plus loin, je travaille dessus depuis le mois janvier et un break s’impose pour moi.

JUILLET 2022

Je reprends toutes les photos, je rentre dans la phase « editing » (choix des photos). C’est parti pour des heures et des heures devant mon ordinateur car je dois visionner toutes les images.
Je fais un premier choix de 200 photos. C’est trop, beaucoup trop. Alors, je recommence.     L’ordinateur m’épuise, je décide de tout imprimer à l’ancienne. J’étale les impressions par terre  et je regarde chaque détail. Certaines photos me paraissent bonnes;  mais pour certaines, il manque  l’émotion. Pour d’autres, un petit détail côté droit ou gauche parasite l’image ou ne respecte pas assez des personnes photographiées. Et hop, ma poubelle se remplit vite. Bon pour l’économie du papier, ce n’est pas vraiment cela ... 
J’étudie chaque détail, car le cadrage est primordial pour moi. Ça valse ... Ma poubelle déborde. Mes amis photographes me disent : « Mais recadre,  il y a vraiment des bonnes plaques dans ce que tu jettes ». J’essaye, je réfléchis, mais je ne peux pas. Cela va à l’encontre de ma façon de travailler depuis toutes ces années. Chacun son école, ce n’est pas la mienne.
J’arrive à 100 photos; j’essaye de monter un diaporama, où  il y a une cadence, sans redondance. J’essaye de trouver un rythme pour pouvoir interpeller les gens sur le quotidien de ces petites retraites, qui est un sujet  très peu visuel par définition.  
J’ai besoin d’aide mais je n’ai aucune agence, ni regard extérieur pour me soutenir.
Magdalena est en vacances et je ne veux pas la déranger. Je prends rendez-vous avec Emmanuelle de la BnF.  Je téléphone aussi à Dimitri qui est en plein bouclage de Polka à Arles; il m’envoie sa sélection, Emmanuelle aussi.
Le grand reportage doit être envoyé avant le 15 août 2022. Je téléphone aussi à François Georges de chez Picto pour prendre rendez-vous pour le traitement de l’image.
Je réédite et fait un dernier choix de 28 photos. Le rendez-vous est calé chez Picto;  on travaille sur les images, mais pas trop, juste en rééquilibrage.  Je veux garder la réalité de la lumière et aussi des conditions de prise de vue.
Après, j’attaque les textes  de présentation de chaque personne photographiée.   Quand on couvre des situations de famine ou de guerre,  je pense que la photo se suffit à elle-même. Mais sur ce travail, les trajectoires de vie sont importantes pour comprendre le contexte. Alors, je reprends mes carnets de route et j’écris.
Je rédige aussi les légendes, j’édite les champs IPPC dans Photoshop. Je vérifie, encore une dernière fois, car j’ai peur de faire une connerie. Et hop,  j’envoie le tout sur le serveur de la BnF. « Espérons que cela ira »,  me dis-je. La deuxième étape sera le choix des photos de l’exposition pour laquelle il faudra éditer 10 photos.
    
A bientôt et bonnes vacances à  tous.

 

AOUT 2022

Je commence l’éditing pour le choix des 10 photos pour l’exposition. Je prends aussi rendez-vous avec François Georges de chez PICTO pour le choix du papier et de l’encadrement. Après beaucoup de réflexion, je me décide pour des tirages d’exposition  en papier argentique, avec un contre-collage dibond en 30/40. François part en vacances le 15 août ;  je cale un rendez-vous pour début septembre 2022. J’espérais pouvoir tout boucler ce mois d’août 2022, mais tout le monde est en vacances. Je reprends mon éditing des 10 photos, cherche les fichiers en haute définition, refait des légendes afin que tout soit parfait. Puis je me pose : il me faut attendre septembre …

SEPTEMBRE 2022

François est rentré ; c’est parti pour les épreuves de lecture des tirages d’exposition, je vérifie encore et encore ... Picto peut lancer les tirages. Je repasse chez Picto pour signer et légender les photographies de l’exposition. Puis vient l’encadrement et la livraison. Ouf,  le travail est bouclé !


Je finis ce carnet en remerciant les personnes qui ont le courage de témoigner et de m’ouvrir leur maison : Annick, Moustaches, Francis, Octavio, Stephan, Auguste, Janine. Sans  leur participation, je n’aurais pu réaliser ce reportage. Ils m’ont accueillie, avec une gentillesse qui touche le cœur. J’espère vraiment que ce travail aidera à les faire vivre dans des conditions plus faciles.


Un merci aussi à mes ami-e-s, aux éditeurs photos presse, à l’équipe de la BnF, à Picto, à mon amie journaliste Effy qui a relu mes textes et légendes, à tous les gens qui m’ont soutenue pendant ces 8 mois de travail; pour leur écoute, leur patience car nous les photojournalistes, quand nous partons sur un sujet, il occupe toute nos pensées, nos nuits,  il fait partie intégrante de notre cerveau. Il nous est difficile de lâcher,  les pensées viennent en boucle, les angoisses aussi. Cet écart, qui peut permettre le détachement lorsque ce n'est plus en soi mais hors de soi, est difficile à trouver  surtout quand on fait un reportage sur des êtres humains et leurs conditions de vie : il faut faire attention de respecter l’image et l’intégrité de la personne. Photographier, c’est un éternel questionnement dans le choix des photos. On ne photographie pas seulement pour soi, mais pour diffuser au plus grand nombre ce que les « invisibles » ont à dire, à exprimer, leur donner une voix dans notre société.


Je laisserai le mot de la fin à d’autres qui ont compris l’importance que peut avoir la photographie dans le cheminement vers une société plus juste. Je crois à la puissance des images car certaines photographies ont véritablement transformé le monde à leur manière : elles ont changé le cours de l’Histoire, elles ont eu un impact phénoménal dans la société, elles ont aussi laissé une mémoire pour les générations à venir.

Diane Grimonet