Territoire : France métropolitaine


La crise du Covid a mis en évidence la dépendance industrielle française en matière de production textile. Aujourd’hui, le pays redécouvre l’importance stratégique de cette activité et la nécessité de la relancer sur son territoire. Ce travail photographique témoigne de ces entreprises textiles qui s’adonnent au « Made in France ».

Raphaël Helle
Raphaël Helle

Né en France en 1961. Vit à Besançon. En 1997, l’élection du Front national à Vitrolles conduit Raphaël Helle au photojournalisme. Il accompagne ensuite José Bové à Seattle, Gênes et Davos, puis s’intéresse au développement durable et aux efforts de certaines villes dans la lutte contre les gaz à effet de serre. Il mène des travaux en immersion auprès d’adolescents et d’ouvriers de l’usine PSA de Sochaux, et, en 2014, est lauréat du projet « La France vue d’ici ». Depuis 2015, il se consacre au monde ouvrier. Il est publié dans la presse (XXI, Le Monde) et est membre de l’agence Signatures.

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AVRIL 2022

On ne naît pas photographe, on le devient et, dans mon cas, ce fut après avoir emprunté quelques détours dont le premier était… l’obtention d’un BTS fabrication textile, option tricotage. Ma découverte du monde du travail, au milieu des années 80 à Troyes, s’effectua auprès des bonnetiers, dans le cliquetis assourdissant des métiers à tricoter la maille stretch, puis dans un atelier coutures où 400 femmes penchées sur des machines à coudre produisaient des grenouillères à des cadences redoutables. Aussi ai-je décidé de débuter ce reportage sur le textile par Troyes.

Ma première visite en arrivant ce soir de janvier face au soleil couchant fut pour Fra-For, mon ancienne usine. Au début des années 70, 75% des salariés de l’industrie textile française, soit près de 25 000 personnes, résidaient à Troyes, l’équivalent d’un tiers de la population de l’époque. La capitale française de la bonneterie regroupait les principales usines et marques hexagonales. Le déclin s’est amorcé dans les années 1980, La crise, puis les délocalisations, vont dévaster cet univers industriel, à l’exception de quelques sociétés toujours en activité aujourd’hui. L’usine Fra-For, signe des temps, a été réaménagée en 2016 en… maison de retraite, après un projet avorté de logements de luxe. La haute cheminée en brique a été conservée, et dans un angle, juste derrière l’illustre marque Babygro, subsiste la ruine de mon atelier de tricotage. Aujourd’hui à Troyes 3 500 personnes environ vivent encore de la bonneterie.

Ancienne usine textile Fra-For à l’âge d’or de la bonneterie aujourd’hui en partie transformée en logements et maison de retraite. Boulevard Danton, Troyes, 12 janvier 2022 © Raphaël Helle
Ancienne usine textile Fra-For à l’âge d’or de la bonneterie aujourd’hui en partie transformée en logements et maison de retraite. Boulevard Danton, Troyes, 12 janvier 2022 © Raphaël Helle