Territoires : France métropolitaine


À une époque où l’espérance de vie s’allonge, la vieillesse est envisagée comme un fardeau face auquel une attitude empathique est de mise, d’autant que les seniors ont été sous les feux des projecteurs pendant la pandémie de Covid. « En prenant pour point de départ les thés dansants et autres bals, j’ai souhaité aller à la rencontre de ces seniors pour qui la vie ne s’est pas arrêtée passé l’âge de la retraite. Il y a ceux qui dansent, ceux qui travaillent encore, ceux qui font du sport, ceux qui tombent amoureux... Le désir est bien là ! Mais le regard paternaliste de la société tend à limiter les occasions. Alors certes, l’enveloppe change et se transforme, mais sa beauté est une question de perception, et si le feu intérieur brûle toujours, il n’est pas question de s’arrêter. »

Julie Glassberg
Julie Glassberg

Née en France en 1984. Vit à Paris. Diplômée en arts graphiques en 2008, Julie Glassberg part étudier le photojournalisme et la photographie documentaire à l’International Center of Photography, à New York. Après sept ans dans cette ville, où elle collabore avec The New York Times, elle s’installe un an à Tokyo. Elle s’intéresse à la diversité des cultures, aux milieux underground et aux marginaux de la société. Son travail est publié dans la presse internationale et a été récompensé à plusieurs reprises.

 

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Journal de bord 

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Carte de France des Thés dansants. © Julie Glassberg. 


Août 2022


Si je me souviens de cette dame de la Coupole, il y a presque 20 ans, si chic, si classe, qui me parlait des Thés Dansants de la Coupole et de ses rencontres amoureuses, dans ma tête je fantasmais sur un lieu feutré, des gens bien habillés, des rapports simples et calmes.


Bon, eh bien, ce n’est pas tout à fait ca. Je me doutais qu’il y aurait différents styles de Thés Dansants selon les lieux – certains très guindés, d’autres plus populaires – mais si l’on m’avait dit que j’allais passer mes weekends en boîte de nuit avec des seniors qui font la fête en journée…


Premier lieu visité : le Duplex, près des Champs à Paris. Benoit, responsable du Thé Dansant, m’accueille chaleureusement. Le Thé Dansant du Duplex c’est le dimanche et le lundi de 14h30 à 21h30.
Mon premier passage remonte à la mi-mai – sans prendre de photos, juste pour découvrir un peu, rencontrer des gens. Je suis tout de suite plongée dans ce monde. Benoit me présente Brigitte qui a fait pas mal de télé et n’a pas peur de l’image. Puis, je rencontre Rémi qui m’explique un peu le milieu. “Alors faut faire attention parce qu’il y a beaucoup de couples illégitimes.” Eh oui! Je n’y avais pas du tout pensé, et ce n’est pas un petit détail, c’est ce qui va devenir mon plus grand obstacle durant ce projet… Rémi m’explique un peu les différents types de personnes qui viennent: ceux qui se sentent seuls, ceux qui viennent juste pour danser, ceux qui viennent faire des rencontres amoureuses… Il y a des couples qui se sont formés là-bas: Jean-Marc et Bernadette se sont rencontrés au Duplex il y a plus de 10 ans et sont toujours ensemble aujourd’hui. Plus tard, je fais la connaissance de Paul, en couple avec Marcelline. Ils se sont rencontrés au Duplex il y a plus de 10 ans également. Francine, qui travaille au vestiaire ou au bar me présente Martine et Alice, deux anciennes habituées. Au fur et à mesure, plusieurs noms de lieux sur Paris ressortent: le Tilsit, le Chalet du Lac, le Balajo, le Rosa Bonheur, Chez Fifi, Chez Gégène, Le Martin Pêcheur, pour ceux qui existent encore. Puis, les lieux mythiques de Thés Dansants qui ont fermé: la Coupole, le Memphis, le Club 79…

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Duplex. 
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Messages. Duplex. 
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Instagram. Duplex. 

Beaucoup de lieux ferment à travers la France… Ce type de musique et de danse ne semblent pas intéresser les générations d’après. Les Thés Dansants ne ciblaient absolument pas les “seniors” à la base. J’ai découvert ça avec Jean-Paul dans le Sud de la France. Lui a commencé à danser très jeune et il fréquentait les Thés Dansants comme la Coupole alors qu’il n’avait qu’une trentaine d’années. Beaucoup de sa génération ont grandi avec la danse et les bals. Ils ont ensuite continué à les fréquenter, mais les générations suivantes n’ont pas vraiment suivi. Les goûts musicaux et les occupations ont evolué.

Pour la plupart, se retrouver dans les Thés Dansants et les Dancings, c’est faire de l’exercice physique. La musique, le contact humain et le lien social, prendre soin de soi, se pomponner: C’est souvent sacré. Certains y vont une fois par semaine, toutes les semaines, d’autres le considèrent comme une “drogue” et y vont plusieurs fois par semaine. Ils font souvent beaucoup plus jeunes que leur âge physiquement, et dans leur tête, ils sont restés jeunes également. Je réalise en faisant ce reportage que c’est davantage sur un état d’esprit que sur une occupation. Certes, la danse relie toutes ces personnes, mais ce qui m’intéresse surtout, c’est cette émancipation du regard de la société, cette passion et fougue intérieure. Ces personnes que je rencontre, à part une limitation physique, rien ne peut les arrêter. Ils vivent. N’est-ce pas ce que je recherche dans tous les projets documentaires que je fais finalement? Que ce soit les bikers New Yorkais, les cammionneurs Japonais, ou les seniors des Thés Dansants, ils partagent un état d’esprit similaire dans leur rapport à la vie. Seuls leurs occupations et centres d’intérêts sont aux antipodes.

Au fil de mes visites, je rencontre plein de gens passionnants… D’autres moins. Après tout c’est large les “seniors” même si je me concentre sur les Thés Dansants. Il y a des abrutis, comme partout: des lourdingues, des libidineux, des aggressifs. Ma plus grande difficulté c’est ces fameux “couples illégitimes”. Dès qu’ils voient l’appareil photo ils se sentent menacés. J’ai l’impression qu’ils me perçoivent avec un bazooka, prête à pulveriser leur vie. J’ai beau leur expliquer ce que je fais et les rassurer en leur disant que je ne vais pas les photographier, mais il n’y a rien à faire. Ils n’écoutent pas. Ils restent dans leur parano: je suis là pour saboter leur vie en faisant paraître leur photo en couverture du journal et sur tous les réseaux sociaux. “Et le droit à l’image!” me crie-t-on…

Je me rends vite compte que le temps est très court pour réaliser ce projet de la bonne
manière. Chaque lieu que je visite demande du temps et de nombreux passages. La confiance se crée par la répétition et sur la durée de rapport avec les gens. A chaque nouvel endroit, je repars de zéro. Je répète à des dizaines de personnes ce que je fais, pourquoi je le fais. Puis 2, 3, 4 individus arrivent à la charge! “Ils ont dit à leur femme qu’ils allaient au golf” pour citer Martine du Chalet du Lac. Leur aggressivité est extrême et sans relâche. C’est pesant et fatigant. C’est ainsi que je me retrouve à aller régulièrement à Bailleul, près de Lille. C’est mon bol d’air le Manoir. Ici, tout le monde est accueillant, tout le monde est sympa. Les gens sont fiers de leur Thé Dansant et sont heureux de partager leur occupation. “Oh moi j’ai rien à cacher vous savez”, me dit on.
 

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Voyages. 
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5 bonnes raisons de danser. 
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Danser à deux. 
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Article sur le Bataclan. 

 

Rencontres 

Jean-Paul, “28 ans à l’envers”.

Né à Nîmes en Janvier 1940, il fait sa première danse vers 15 ans. Une Polka. Au cours de sa vie il a fréquenté de nombreux lieux: Le Blue Note, le Jive, la Brasserie Moderne ou le Marinella à Nîmes, le Colt Saloon à Lunel, ou encore la Coupole, le club 79, le Chalet du Lac à Paris. Beaucoup de ces lieux n'existent plus. Aujourd'hui il va danser plusieurs fois par semaine dans sa région, en Provence-Alpes-Côte d’Azure: au Crystal, au Bataclan, à la Colline, et au "Roal" (Roaljorero) qui ferme ses porte définitivement fin Juillet 2022.

Danser tous les jours :

La Coupole :

"Moi c'est inné" :

Paso Doble et Tango :

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Rencontre avec Jean-Paul. 
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Annonce de Jean-Paul. 
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Autre annonce. 
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La voiture de Jean-Paul. 
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Jean-Paul jeune. 

Paul, 78 ans.

Originaire de l'Ile Maurice Paul danse depuis son plus jeune âge. Veuf, il fait la rencontre de Marcelline, veuve aussi, au Thé Dansant du Duplex il ya 13 ans. Ils sont toujours ensemble aujourd'hui. "Elle est pas belle la vie? Ya les femmes, ya la musique, ya à boire, qu'est-ce qu'on veut de plus?"

Duplex et rencontres : 

"Pas besoin de sport" : 

"L'essentiel c'est d'être" : 

 

Claudine

Claudine est une habituée du Chalet du Lac, ancien pavillon de chasse de Napoléon dans le bois de Vincennes. On la retrouve au Thé Dansant du Samedi après-midi et du Lundi après-midi. Avant, elle allait au Club 79 ou au Palais Maillot. Ses raisons pour aller danser: un défit de l'interdit ("avant, c'était les gens biens qui dansaient"), la passion, les rencontres. Elle a aussi une envie de plaire - aux danseurs et à elle-même – ainsi qu’un désir de séduction.

Luigi, 83 ans.

Luigi commence à danser vers 15 ans en Italie, son pays d'origine. Jeune adulte, il débarque à Paris et fréquente de nombreux lieux de danse. Toute sa vie il va danser régulièrement et devient même Taxi Danseur pendant un temps. “Le meilleur c’était le Tourbillon, à Stalingrad, mais ça n’existe plus.” Quand je le rencontre, il danse quasiment tous les jours: Le lundi au Balajo, le mardi, mercredi et vendredi à la Sensation Dance School de Tolbiac (et les quais si c'est ouvert), le samedi sur les quais et parfois le Chalet du Lac, le dimanche au Rosa Bonheur de Vincennes. Luigi est un amoureux de la danse et y va principalement pour cela. “Quand il y a trop de monde, je n’y vais pas car on ne peut pas vraiment danser.”*

Lili, 71 ans.

Lili est Chinoise et arrive en France à 23 ans. Elle apprécie la musique depuis toute petite. Lili mène une vie difficile et, à 62 ans, elle subit une lourde opération. Sur son lit d'hôpital, elle a une révélation: Elle réalise que jusque là, elle ne vivait pas. Elle décide à ce moment là de profiter: “Il faut faire autrement. Je vis pour moi maintenant.” Il y a 7 ans, une amie lui propose de prendre des cours de salsa ensemble. Elle découvre la danse et y prend beaucoup de plaisir. Peu de temps après, elles vont au Chalet du Lac. C’est son premier Thé Dansant. Elle y rencontre Josie avec qui elle sympathise. Josie lui apprend les différentes danses: Paso Doble, Valse, etc. Elle y développe un goût particulier pour l'accordéon: "c'est léger, c'est la fête.” La danse et la musique, "ca fait oublier toutes les douleurs". De plus, elle apprécie faire des efforts vestimentaires. Lili est mariée, mais son mari ne danse pas, alors, elle va danser seule en s'assurant de changer de partenaire régulièrement, "sinon il tombe amoureux."
 

Liesel, 97 ans. (bandes audio + lettre de la petite fille)

En 2012, Patrick Cottereau, taxi danseur, est contacté par la petite fille de Liesel. En effet, Liesel dansait régulièrement avec son mari, aujourd'hui décédé, et cela lui manquait. Alors, pendant des années, Patrick et Liesel ont parcouru les bals, les guinguettes et thés dansants le la région parisienne comme Chez Gégène, le Martin Pêcheur, ou le Chalêt du Lac. La période de pandémie a beaucoup fatigué Liesel et depuis, elle a du mal à se déplacer. Un samedi sur deux, Patrick se rend à son domicile de Massy pour la faire danser.

50 ans de danse : 

Le Boogie : 
 

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Message de la part de Liesel.  
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Patrick et Liesel. 
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Patrick et Liesel. 

Jacki, 83 ans.

Jacki a grandi à Saumur. Il apprend à danser à 4 ans avec sa mère et fréquente ses premiers bals vers 6 ans. Il était aussi fréquent de danser à la maison avec ses 11 frères et soeurs. Jacki est un amoureux de liberté et il la retrouve en particulier à travers la danse. Pour ses 80 ans, il fait un tandem en parachute. Divorcé, il profite pleinement de la vie. On retrouve Jacki régulièrement au Chalet du Lac, au Duplex, et à la Sensation Dance School.

Ma mère : 

Construction des enfants :

Valse partie 2 :

Femmes mariées :

Besoin de plaire :

Danse avec Greco :

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Jacki en parachute. 

Alice, 81 ans. 

Originaire des Landes, Alice a commencé à danser à 14 ans avec ses parents. Cela fait 40 ans qu'elle fréquente le Thé Dansant du Duplex tous les lundis. Alice n’a aucun problème avec le vieillissement: “je suis bien dans ma peau moi.” Pendant la pandémie, il lui arrivait de mettre un orchestra à la télé et de danser seule chez elle. “On a ça dans le sang!”

Les cavaliers : 

Pendant le Covid :

Conseil contre la peur de vieillir :

Regard sur le vieillissement :

 

Lieux (hors Paris) 

Le Roaljorero

J’ai l’occasion de découvrir le Dancing Roaljorero au mois de Juillet à Monteux, près d’Avignon. Créé en 1974, un Thé Dansant y est organisé le jeudi et le dimanche de chaque semaine. Ro- Roland (le fils aîné), Al- Albert (le père et créateur), Jo- Josette (la mère), Re- Régine (la première des filles), Ro - Roselyne (la fille cadette). Cette discothèque familiale attirait beaucoup de gens de la région avec des concerts et événements dansants. Les dernières années, le dancing était moins fréquenté, et la pandémie ne les a pas épargnés. En Juillet 2022, le "Roal" ferme définitivement ses portes au grand désarrois des habitués de la région.

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Flyer du Roal n°1. 
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Flyer du Roal n°2. 
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Flyer du Roal n°3. 
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Flyer du Roal n°4. 

Le Manoir

Le Manoir est fondé dans les années 70. C'est une entreprise familiale et aujourd'hui deux des frères (Jean-Charles et Fred Houvenaeghel) sont à la direction. Tous les vendredis, il y a un thé dansant (soirée rétro) de 20h à 23h avant que ca devienne boîte de nuit, puis, Thé Dansant tous les dimanches après-midi. La clientèle est fidèle et très diversifiée. On y retrouve Gaëtane qui ne loupe pas un thé dansant depuis 1983, Brigitte qui vient tous les dimanches de Dunkerque, ou encore Joan et Daniel, en couple depuis leur adolescence. Ils se sont rencontrés en dansant, et continuent à danser régulièrement. Aujourd’hui, Daniel a Parkinson, et la danse semble calmer ses tremblements. “C’est un autre homme quand il arrive ici.” Au bar de la discothèque, on retrouve Mimi. Elle a 69 ans et une énergie incroyable. Les vendredis et samedis, elle enchaîne des horaires de 8h du soir à 6h du matin. On sent que dans ce lieu, Jean Charles et Fred encouragent la diversité des âges et des personnalités.

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Manoir. 
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Message. Manoir.